mardi 20 avril 2010

Livre d'or pour Célestin Deliège

Célestin Deliège nous a quittés  le dimanche 18 avril aux alentours de midi, sa main dans la main d'Irène. Les funérailles se tiendront au cimetière d'Ixelles (Bruxelles), le vendredi 23 avril 2010 à 14h.Tous ses amis sont invités à laisser un message sur ce blog, qui servira de livre d'or.
>ENTREZ ICI dans le livre d'or pour lire ou écrire.  Vous pourrez déposer un message dans la fenêtre blanche "Enregistrer un commentaire" tout en bas de la page.

46 commentaires:

  1. Cette mort est une énorme perte pour tous ceux qui l'ont connu, directement ou indirectement, et qui, d'une manière ou d'une autre, sont restés attachés à l'existence d'un art musical contemporain.
    Le rôle que Célestin a joué pour promouvoir les exigences propres de cet art, pour déceler ce qui de la création contemporaine devait mériter l'attention de chacun, pour maintenir la musique à égalité de pensée dans le concert général des disciplines, est sans équivalent. Il a, je crois, su constituer une intellectualité proprement musicologique, faite de savoirs minutieux autant que de rigoureuses prises de parti, d'orientations fermement tracées autant que d'objectivations attentives à la spécificité des matériaux traités.
    Pour les compositeurs comme pour les musicologues qui l'ont approché et qui ont aimé ses éclats de colère comme ses éclats de rire, qui se sont ressourcés à cette fougue maintenue jusqu'au cœur du grand âge, pour tous ceux-là et ses nombreux lecteurs et tant d'autres, sa disparition est une grande tristesse.

    François Nicolas

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  2. Danielle Cohen-Levinas20 avril 2010 à 17:25

    Nous sommes nombreux à connaitre notre dette envers Célestin Deliège. Je me souviens des discussions avec lui dans les années 80 et 90, de sa radicalité exemplaire et de son érudition phénoménale. Et surtout, nous restons à tout jamais marqués par sa passion pour la musique et sa quête d'une recherche de la vérité que l'histoire de la composition musicale au XXè siècle avait si bien défendue, envers et contre tout. Avec la mort de Célestin Deliège disparait également une époque marquée par les utopies et une éthique de la création et de la pensée.
    Danielle Cohen-Levinas

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  3. Le témoignage de l'ensemble Ictus,
    sur notre blog, suivez ce lien...

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    1. Nouveau lien :
      http://www.ictus.be/deliege

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  4. J'ai connu pour la première fois Célestin Deliège à travers son fameux livre "Cinquante ans de modernité musicale". Sa mort est aussi une choque pour de nombreux chercheurs, compositeurs et musiciens qui ne l'ont jamais vu mais qui sont familiers avec ses travaux.

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  5. J'ai "découvert" Célestin Deliège cette année, dans le cadre de ma préparation au Capes d'Education musicale et de chant choral, à travers son ouvrage "Invention musicale et idéologies, Mutations historiques et lectures critiques de la modernité" qui m'a été d'une aide précieuse.
    J'adresse mes plus sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.
    Guillaume Nosal

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  6. Pierre-Michel Menger20 avril 2010 à 22:53

    Célestin était un chercheur exigeant dans sa discipline, et très ouvert aux autres disciplines, puisque c'est ainsi que je l'ai connu. Explorer la création immédiatement contemporaine est une vraie prise de risque : qui impose un surcroît de rigueur dans le travail. C'est ce qu'a fait Célestin, et c'est pourquoi son oeuvre pourra durer.
    Avec émotion et reconnaissance
    Pierre-Michel Menger

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  7. Walter Corten (Conservatoire Bruxelles et ULB)20 avril 2010 à 23:18

    Célestin Deliège s'est consacré entièrement à la pensée active. Son apport inestimable, consistant et résistant, face aux questions musicales, continuera à trouver sa place dans nos enseignements. La profondeur de son engagement et la lucidité de ses choix resteront un exemple saillant et vivant pour la recherche future. Merci à Irène d'avoir soutenu son cheminement fécond avec tant de fidélité.

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  8. J'admire (au présent éternel).
    L'esprit critique... et partisan...
    Puissions-nous nous revoir aux ciels.
    (Des points à discuter.) J'entends.

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  9. Cher Célestin, combien de fois as-tu supporté sans impatience mes interventions naïves et mes éclats peu amènes, et combien de fois tout cela s'est terminé dans un sympathique éclat de rire ? Je garde de toi le souvenir d'un grand découvreur de la pensée musicale contemporaine. Ton départ nous prive de l'accès patient et concerté que tu savais nous ouvrir vers des horizons encore bien peu explorés.

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  10. Annie Coeurdevey21 avril 2010 à 09:12

    Avec l'émotion de me souvenir de ma soutenance de thèse dont il avait accepté d'être un des jurés, après cette année de DEA où j'avais eu de lui la révélation de l'analyse selon Schenker, un mom totalement ignoré de l'enseignement du Conservatoire. Et comment il a continué à me soutenir dans mes travaux ultérieurs, de toute sa générosité.

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  11. Bernard Foccroulle21 avril 2010 à 09:58

    J'ai découvert l'analyse musicale dans la classe de Célestin. J'avais vingt ans et j'en garde les plus beaux souvenirs de mes études au Conservatoire de Liège. C'étaient de vrais moments de musique, débarrassés de toute forme d'académisme.

    Par la suite, je l'ai rejoint comme collègue dans la même discipline. Nous avons collaboré, échangé nos classes, invité des conférenciers extérieurs, participé à tant de réunions et de combats contre la médiocrité.

    J'ai gardé la mémoire de moments d'une exceptionnelle chaleur humaine, de grands rires, de visions lucides et déterminées, à l'occasion notamment de repas inouis préparés par Irène.

    La création d'Ars Musica en 1989 reste pour moi associée à sa personnalité exigeante. Là aussi, il a apporté une contribution décisive.

    Célestin a nourri toute sa vie une authentique passion pour la création musicale. Ses travaux demeurent comme l'un des témoignages les plus pénétrants sur la création musicale de ces soixante dernières années.

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  12. François Nicolas m'apprend le décès de Célestin DELIEGE,
    ce qui m'avait frappé chez cet homme c'était son adhésion à Musiciens Avec Gaza, malgré ou plutôt avec son grand âge
    ça donne à penser.
    Pierre Prouveze

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  13. Jean-Marie Rens21 avril 2010 à 10:49

    C’est au moment de la création de la Société Belge d’Analyse Musicale – société dont il a été le président de nombreuses années – que j’ai appris à connaître Célestin Deliège. A la fois le brillant penseur unanimement reconnu, mais aussi l’homme. Ce qui m’a particulièrement marqué chez lui c’est la rigueur et l’intelligence de son travail, son érudition hors du commun mais aussi, et peut-être par-dessus tout, l’intégrité intelectuelle dont il a toujours fait preuve.

    Célestin Deliège c’est aussi dans mon souvenir le membre du jury dans ma classe d’analyse musicale au Conservatoire de Liège – classe d’analyse qu’il a occupée durant de nombreuses années et qu’il a profondément marquée de sa griffe. Son écoute et l’attention qu’il portait aux jeunes apprentis analystes ainsi que les précieux conseils qu’il pouvait leur prodiguer, étaient toujours d’une grande humanité.

    Tes célèbres éclats de rires, ton goût pour la polémique, ton humour, ainsi que les riches moments d’échanges vont bien me manquer.

    Adieu Célestin et merci pour tout ce que tu as apporté.

    Jean-Marie Rens

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  14. Célestin Deliège était un grand musicologue et un interlocuteur privilégié des compositeurs de son temps. Il dialoguait avec eux d’égal à égal, sans complaisance ni crainte d’être en désaccord avec l’idée qu’ils pouvaient se faire de leur propre musique.
    D’une insatiable curiosité, il s’intéressait à toutes les propositions, non pour simplement en enregistrer l’existence mais pour les soumettre à l’exigence d’une investigation résolument critique.
    C’était aussi un homme chaleureux, très accueillant et d’une grande drôlerie, avec qui ses visiteurs passaient de savoureux moments.
    Sa mort est une perte considérable pour le monde de la musique et tous ceux qui l’ont connu.
    Antoine Bonnet

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  15. Pierre Bartholomée21 avril 2010 à 15:04

    La musique contemporaine doit beaucoup à Célestin Deliège, à sa perspicacité, à l'intelligence de ses analyses, à la force qu'il mettait dans la défense de ses convictions. Mais ses travaux ne se sont pas limités à la musique du XXe siècle. Ses étudiants et ses collègues, quantité de musiciens et de mélomanes ont pu mesurer l'étendue de ses connaissances, de cette culture extrêmement vivace qui l'habitait.
    La lecture de ses ouvrages demeurera un outil essentiel pour l'approche et la compréhension de la création artistique et de ses relations de plus en plus complexes avec le monde.

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  16. Pendant toute la longue période de ma vie passée à Bruxelles ,j'ai eu de nombreux contacts avec Célestin Deliège, dont j'appréciais les connaissances encyclopédiques en analyse musicale et la vivacité d'esprit. Il m'avait fait l'honneur de m'inviter dans son émission de la RTB pour commenter plusieurs de mes œuvres.
    J'avais une réelle amitié pour lui et j'ai une pensée émue pour Irène, qui n'a cessé de le soutenir et de l'aider à vivre.
    Bien que je n'aie plus été en mesure de garder le contact, suite à ma retraite à Provins (France, Seine et Marne) et à mes récentes infirmités, sa perte créée un vide de plus dans ma mémoire déjà peuplée d'autres grands absents comme Xenakis ou mon grand ami Marcel Mesnage qui le connaissait bien et nous a quittés au début de cette année.

    André RIOTTE

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  17. Philippe Dewolf21 avril 2010 à 18:31

    Quelques instants avec Célestin Deliège

    On s’est souvent mépris sur la personne de Célestin Deliège en s’arrêtant aux apparences. Son timbre de voix étrange, mais elle était reconnaissable entre toutes, sa vue déficiente, mais il savait capter dans le moindre détail le sens d’un texte, d’une musique ; on s’est beaucoup mépris sur sa personne à défaut de connaître sa personnalité. Or, si on écoute ce qu’il disait, on est frappé par la fluidité de parole, le raisonnement étant en marche dans l’instant même où il s’énonce.
    Gérard Valet, que l’on peut à bon droit regarder comme un démagogue simulant l’étonnement et la bonne-foi de « Monsieur tout le monde », avait vu Célestin Deliège comme une sorte de garde du corps, de gardien du temple de quelque orthodoxie, le jour où il avait accompagné Olivier Messiaen jusqu’au studio de Point de mire. Valet n’avait sans doute pas imaginé que la rigueur de Célestin Deliège, dans un domaine certes spécialisé, était le gage d’une liberté de pensée à bien des égards plus gratifiante que les œillades adressées au public pris en otage d’une soi-disant image de l’honnête homme.
    Célestin Deliège était à des années-lumière de ce genre de ronds de jambe et affirmait son point de vue avec une pugnacité toujours teintée de malice. Ainsi, en 1995 où, face à Robert Wangermée qui faisait l’apologie d’André Souris dans une réunion de la Libre Académie, il eut beau jeu de mettre la musique de Souris en question sous l’angle de sa nouveauté et de ses qualités mêmes, indépendamment des grandes qualités de pédagogue et connaisseur de la musique du 20ème siècle du compositeur. C’est à notre connaissance un des rares cas où un collaborateur de l’ancien administrateur-général de la RTBF a manifesté qu’il avait les coudées franches vis-à-vis de son ancien patron.
    S’il émaillait ses interventions de certaines rosseries, il était également doué d’humour à l’égard de sa propre œuvre de musicien. Il m’en fit la démonstration le jour où nous en étions venus à parler de la musique qu’il avait composée pour le film que Luc de Heusch tournait avec René Magritte, La Leçon de choses (1960). Il me fit part de la réaction de Magritte qui lui déclara que sa musique aurait tout aussi bien pu accompagner une publicité pour boîtes de sardines (mais nous avons la conviction que Magritte n’avait pas choisi cet élément de comparaison par hasard).
    Par rapport à certaines émergences musicales des cinquante dernières années, Célestin Deliège s’est montré intraitable ; nous avons la faiblesse de croire qu’il avait raison quand il éreintait le post-modernisme, car que peut-on attendre de suiveurs, d’imitateurs ? Il faisait confiance aux possibilités de l’imagination et de l’invention humaines et n’avait sûrement pas emboîté le pas à un certain « désenchantement du monde » dont il identifiait parfaitement les causes. Par contraste, rencontrer Célestin Deliège était un enchantement.

    Philippe Dewolf

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  18. pierre albert castanet21 avril 2010 à 19:40

    Célestin Deliège a été mon directeur de thèse à Paris et mon maître (le sujet était : Hugues Dufourt, son œuvre et ses préalables). Son rapport à la méticulosité embrassant les sources musicologiques, son attention au phénomène musical tant du point de vue historique qu’analytique, tant au niveau socio-politique qu’esthético-philosophique m’ont profondément marqué à jamais. Il me rappelait que cette rigueur de la pensée lui venait quelque peu de son père qui lui disait durant ses études : « Célestin, c’est pour ton bien… ».

    Durant vingt cinq ans, notre relation (qui incluait son inséparable double bienfaiteur en la personne d’Irène) a été jonchée d’échanges professionnels et d’estime amicale. Je l’ai invité plusieurs fois à l’université de Rouen pour des séminaires (notamment un sur Olivier Messiaen, personnage influent qui lui avait donné sa chance…) et aussi pour lui confier des articles musicologiques pour le compte des Cahiers du CIREM (dès le numéro 1 consacré à Musique et nombre), Centre International de Recherche en Esthétique Musicale dont il était membre d’honneur. Il m’a invité à prononcer une conférence lors des premiers numéros du festival Ars Musica à Bruxelles… Je lui ai par la suite remis un « Coup de cœur » à Paris au nom de l’Académie Charles Cros pour la parution de sa bible intitulée De Darmstadt à l’IRCAM – véritable credo portant sur la modernité musicale du dernier demi-siècle…

    Des cours à l’Ecole Normale Supérieure de Paris aux interventions (souvent musclées) repérées lors des différents colloques organisés notamment par la Société Française d’Analyse Musicale, de nos discussions malaisées sur Scelsi à ses éclats de rire à teneur gargantuesque, les souvenirs communs ne manquent pas… La dernière fois que j’ai rencontré Célestin chez lui, il m’a encore parlé de l’esthétique de ces jeunes compositeurs que Laurent Langlois avait programmé pour l’édition d’Ars Musica 2009.

    Je garderai de lui l’image intacte d’un fantastique témoin sans concession de la modernité musicale et d’un animateur philosophe prônant le cours des idées rigoureuses et progressistes. Toutes mes sincères condoléances vont à Irène qui l’a tant aidé dans ses multiples tâches publiques et privées.

    Pierre Albert Castanet

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  19. Béatrice Ramaut-Chevassus21 avril 2010 à 21:32

    L’énergie et la détermination immenses de Célestin Deliège ont été des boussoles sûres. Sa mémoire vive de tant d’années d’histoire et de tant de musiques a été une source d’admiration. J’ai certainement, pour ma part, puisé dans ses séminaires parisiens du boulevard Jourdan la force de commencer une thèse, pour de bon. Son rire et sa voix sonnent encore comme la certitude qu’une voie de commencement et d’exigence authentiques restent toujours possibles.
    Soyez assurée, Chère Irène, de mes pensées qui se joignent, à leur mesure, à votre douleur.

    Béatrice Ramaut-Chevassus

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  20. Jean-Jacques Nattiez21 avril 2010 à 21:55

    Célestin Deliège aura, avec intensité, parcouru toute ma vie de musicologue, et ce, depuis octobre 1973, date à laquelle je découvrais sa personne et sa personnalité au cours d’un colloque de sémiologie musicale à Belgrade. Puis ce fut, l’année suivante, sa réédition à Rome et une rencontre de sociologie de la musique à Zagreb en 1975. Au passage, je découvrais son goût pour la bonne cuisine, ce qui fut l’occasion d’une invitation mémorable à Bruxelles où je découvrais les talents culinaires d’Irène… (qui ne l’ont pas empêché de devenir une des plus remarquables psychologues de la musique de notre temps, en même temps qu’elle soutint Célestin avec patience et abnégation durant toute sa vie, dans son travail éditorial, même lorsqu’elle n’était pas nécessairement d’accord avec lui…). Nous sommes quelques-uns à ne jamais avoir séparé, en leur compagnie, les plaisirs de la discussion et ceux de la vie.
    Au plan intellectuel, je fus frappé d’emblée par la connexion, chez lui, entre une culture musicale et musicologique immense et une profondeur de réflexion épistémologique rare dans notre profession. Aussi je n’hésitais pas à l’inciter à écrire ce qui aura été le premier ouvrage consacré à la pensée et la méthode de Schenker en français : Les Fondements de la musique tonale (Lattès, 1984). J’accueillais Invention musicale et idéologies dans la collection que je co-dirigeais avec Pierre Boulez chez Bourgois (1986) et plus tard, conscient qu’il était une des rares personnes à connaître par le menu et avec la subtilité technique requise, je lui suggérais d’entreprendre l’opus magnum que nous savons : Cinquante ans de modernité musicale (Mardaga, 2003), une somme qu’il sera difficile d’égaler. Quinze jours après, il me disait qu’il l’avait commencé. Quinze ans après, il m’annonçait qu’il l’avait terminé. La persévérance des grands.
    C’était aussi un battant engagé. Certes, on peut discuter et on discutera encore ses options idéologiques, mais il aurait pu faire sienne l’admirable phrase d’Emmon Bach, un linguiste américain : « Sans la controverse vit la science, et quand nous serons tous d’accord, ce sera le signe que notre science est morte ». Il ne se privait pas d’enguirlander de la plus belle façon ceux qui ne pensaient pas comme lui et l’auteur de ces lignes en sait quelque chose : : « Le niveau neutre ? Et bien … merde !!! » Ses coups de gueule critiques sont devenus proverbiaux et, pour tous ceux qui ont eu le privilège de l’approcher, ils resteront inséparables de ses écrits. Quelques souvenirs ? De passage à Montréal, au cours d’une conférence sur l’avenir de la musique : « La série ? Eh bien, j’ai la faiblesse de penser qu’on n’en a pas assez fait ! » Et à la question : « Mais pourquoi n’avez-vous pas parlé de Xenakis ? », il répondait : « Jean-Jacques m’a montré ce matin le pavillon de l’expo 67 dont il a été l’architecte. J’ai beaucoup admiré…! » Et à Paris, lors d’un colloque de l’IRCAM, assis à côté de François Bayle : « La musique est faite pour être lue !!! »
    Tu me manqueras encore longtemps, Célestin, même dans tes excès.

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  21. Benoît Mernier21 avril 2010 à 23:25

    Cher Célestin,
    Tout le monde aura salué en toi le penseur et musicien engagé. Qui pourra oublier ton exigence et ta probité intellectuelles?
    Mais je garderai aussi de toi le souvenir ému d'un homme généreux, drôle, vif dans la répartie, au style pointu et léger -chose paradoxale quand on parle de choses sérieuses comme la musique... Mais aussi quelqu'un qui regarde et espère dans l'avenir avec une force et une énergie de jeune-homme!
    Je me souviendrai de tes cours d'analyse au Conservatoire de Liège -le jeune musicien que j'étais à l'époque avait parfois du mal à tout comprendre mais j'étais pour la première fois confronté à une attitude face à l'art et la musique où la Pensée était en première ligne. Je me souviendrai aussi de tes encouragements sans complaisance à l'écoute de mes premières oeuvres (et aussi des suivantes). Ce que j'ai considéré parfois à l'époque comme des jugements intransigeants et des prises de position radicales m'a forcé à réfléchir et à me projeter plus loin.
    Te lire, t'écouter, te rencontrer étaient un formidable antidote contre la paresse intellectuelle et la pensée univoque, contre la facilité et la médiocrité.
    Pour tout cela: merci Célestin!
    Toutes nos pensées vont aussi à Irène qui s'est tellement dévouée pour toi durant ses dernières années si difficiles. Cela non plus nous ne pourrons l'oublier. Nous te souhaitons tout le courage et la force nécessaires pour continuer sans Célestin à tes côtés Que son absence devienne Présence.

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  22. Marcel Cominotto22 avril 2010 à 11:41

    Célestin, tu as franchi le pas que nous redoutons, le dernier, celui auquel personne n'échappe...
    Mais quelle foison de richesses as-tu semé durant ta vie!
    La musique, toute la musique, te doit tant...
    Et nous qui fûmes tes élèves!
    Tu as semé en nous le besoin de réfléchir au-delà des idées reçues, de trouver la source qui anime chaque oeuvre; tu nous as poussés à nous remettre en question, à prendre position, à oser nous opposer; tu nous as éblouis de ton savoir, de ton intelligence, mais toujours en nous invitant à te rejoindre dans ces sphères exceptionnelles...
    Tu as ensemencé l'Homme et la Musique par tes écrits, par tes cours, par les discussions engagées, par la force avec laquelle tu as pu rester toi-même, sans concession. Que d'éclosions passées, présentes et futures grâce à toi!
    Pour tout cela je te dis merci.
    Et je t'adresse à toi, chère Irène, mes pensées émues et toute mon amitié.
    Marcel Cominotto

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  23. Célestin a été le compagnon de route de la SFAM depuis si longtemps!... Egalement
    l'ami de bon nombre d'entre nous, avec lequel les échanges étaient toujours extrêmement
    fructueux et véhéments!-. Je me souviens de bon nombre de discussions, de dîners (immédiatement me viennent des
    images d'une table à Tel-Aviv, - nous y avions parlé des "musiques de grande
    diffusion commerciale"...ou bien encore d'une ferme prise de position à propos de ces dernières, lors du Troisième Congrès Européen d'Analyse Musicale de Montpellier- et pendant les nombreux congrès et colloques -plus particulièrement,celui, très ancien, de Chantillly-.
    Nous lui devons une contribution essentielle à la pensée de la musique, du musical, à la pensée musicale.

    Jean-Michel Bardez

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  24. Jean-Claude Risset22 avril 2010 à 13:37

    Avec Célestin Deliège, c’est un grand témoin de la musique qui disparaît.

    Célestin Deliège est depuis longtemps écouté comme un observateur exigeant et passionné de la musique contemporaine, de ses entretiens avec Pierre Boulez « Par volonté et par hasard » de 1975 à son monumental ouvrage de 2003 « Cinquante ans de modernité musicale ». La richesse et la pertinence de la documentation de ce livre en font une ressource sans précédent.

    Lors d’un colloque sur la recherche musicale tenu à l’IRCAM il y a vingt cinq ans, je rappelais un thème favori de Pierre Schaeffer, « la musique est faite pour être entendue » : en réponse, Célestin Deliège a déclaré « la musique est faite pour être lue ». Un manifeste pour l’écriture musicale, plus à même d’approfondir la grammaire que de renouveler le vocabulaire. Comme tout un chacun, Célestin Deliège a ses parti-pris dans ses intérêts musicaux: mais il les assume de façon cohérente et courtoise, et ils n’empêchent pas chez lui écoute et points de vue visionnaires. Dès cette époque, Célestin Deliège voyait avec lucidité l’ordinateur non pas comme un outil technologique de plus, mais comme un médiateur susceptible de créer à long terme un nouveau type de complémentarité entre le compositeur et l’œuvre.

    Célestin Deliège est un théoricien majeur de la musique instrumentale d’Occident. Son immense érudition n’est jamais lourde ou encombrante. Son ouvrage sur les fondements de la musique tonale actualise et renouvelle le point de vue génératif de Schenker, éclairé par la linguistique. Le point de vue s’élargit vers la pratique sociale dans « Invention musicale et idéologies» de 1986. Dans « Sources et ressources d’analyses musicales », un autre ouvrage monumental paru récemment, Célestin Deliège propose un prolongement vers la théorie de l’écriture musicale contemporaine d’une dialectique permanence-variation, celle-là même qui fonde la forme sonate, redonnant ainsi un rôle à l’harmonie dans la musique atonale. Célestin Deliège est magistral, rigoureux, documenté, alerte, lumineux dans ses présentations les plus exigeantes.

    Célestin Deliège a imprimé sa marque sur la musicologie aujourd’hui. Il est un exemple par son appétit pour la musique, l’analyse et la recherche. J’exprime ma profonde sympathie à Irène Deliège, dont les remarquables recherches relaient celles de Célestin, les étendant de la musicologie vers la psychologie cognitive.

    Jean-Claude Risset

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  25. Très cher Célestin,

    il y a une vingtaine d'années quelle ne fut pas ma surprise de découvrir en toi un véritable soutien dans ce monde musical où je faisais mes premiers pas. C'était une situation étrange pour moi, car des polémiques très dures t'avaient souvent opposé à mon père, Henri. Pourtant, la gentillesse dont tu fis toujours preuve envers moi et ma famille m'ont fait me demander parfois si je n'étais pas devenu entre toi et Henri une sorte de vecteur qui permette de rétablir, indirectement, un peu de l'amitié d'antan.

    Je me rappelle si bien de la lueur d'espièglerie qui passa dans les yeux d’Henri un jour qu’il se remémora pour moi quelques-unes des bonnes blagues que tu avais faites lors de vos études au conservatoire. Il en riait encore, cinquante ans après... Il semble que tu étais un fameux farceur, et que vous formiez là une bien joyeuse bande.

    Il fallait que la musique te surprenne, qu'elle t'emmène en territoire inconnu. À l'opposé de ces gens bizarres qui recherchent au concert cet ennui sacré qu'il ne trouve plus à la messe dominicale, toi tu cherchais dans la musique l'aventure et la vie. Mais tu brouillais les pistes : tu disais "la musique est faite pour être lue" et en même temps, mon dieu, quel plaisir tu avais à l'écouter.

    Quand j'évoquais avec toi les bonnes choses qui existaient dans d'autres formes de pratiques musicales, tu m'expliquais en toute simplicité que le jazz t'ennuyait car il était si "prévisible". Et tu avais raison : thème, solo, solo, thème... quel ennui. Sauf, naturellement, quand c'est Miles Davis qui tient la trompette ou Monk le piano, mais ça tu ne connaissais pas vraiment. Alors tu me disais : "viens à la maison et fais-moi écouter". Et moi bien sûr, je ne le faisais jamais, toujours à courir bêtement derrière ma vie...

    Tu attendais tellement qu'un jour de jeunes hurluberlus, comme vous l'aviez été, sortent du bois et te décoiffent littéralement par leurs inventions bizarroïdes.
    Nous n'avons pas été ceux-là, malheureusement, et je crains un peu – mais j’espère me tromper - que nos successeurs ne le seront pas non plus. Quoique tu ne sois jamais allé au terme de cette réflexion qui t'aurait mené à un constat peut-être trop triste, tu avais néanmoins parfaitement compris, à l'instinct, que nous assistions aujourd'hui à une migration de l'intelligence humaine vers d’autres contrées créatives.

    Je me rappelle la chose la plus frappante que tu m'aies dite à ce sujet : tu avais été totalement bluffé par les possibilités inouïes (surtout aux yeux d'un homme de ta génération) d'un GPS installé dans une voiture qui t'avait véhiculée. Et tu t'étais fait la réflexion que, oui, si le talent avait déserté les salles de concert contemporaines, c'était peut-être qu'il s'était incarné ailleurs, par exemple dans toutes ces folles inventions technologiques qui étaient en train de refaçonner si profondément notre monde. Cette intuition reste à mes yeux la plus belle preuve de ton exceptionnelle liberté de pensée, et je crois même qu'on peut le prendre comme une formidable marque d'optimisme. Car, après tout, qu'importe la forme en laquelle elle s'incarne si l'intelligence demeure ?

    Je t'embrasse affectueusement, cher Célestin. J'espère que tu retrouves là-bas Luciano, Karlheinz, Henri, et que vous riez bien ensemble des bons tours que vous nous avez joués...

    J'embrasse aussi ta compagne, Irène, si courageuse et absolument exemplaire, tout au long de ces années qui t'ont vu peu à peu nous quitter. Vous resterez à mes yeux un merveilleux modèle d'amour et de fidélité.

    Denis Pousseur

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  26. J'étais étudiant à Tours et François Decarsin avait invité Célestin Deliège à une conférence-débat, temps fort d'une journée Musique du XXe dont le deuxième grand moment était le concert du soir : Shanti. Deux ou trois ans après, cours boulevard Jourdan dans le cadre du DEA Musique et Musicologie. Célestin Deliège présente son semestre. De ces deux "chocs" qui étaient autant produits par la rencontre avec l'homme qu'avec sa pensée, je me souviens comme si c'était hier. Et puis, il y a eu la lecture, crayon en main, des Fondements de la musique tonale, d'Invention musicale et idéologies... Bruno Moysan

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  27. Jean-Pierre Deleuze22 avril 2010 à 22:11

    Cher Célestin,

    Tu nous a quitté voici quelques jours....

    Mais je sens depuis lors, chaque jour davantage, la présence de ta pensée, toujours prête à nous guider et à nous ressourcer, dans toutes ces pages à lire et à relire, qui se trouvent là dans ma bibliothèque à portée de main. Dans chacune que j'ai lues jusqu'ici, j'ai toujours retrouvé cette magnifique sensation d'une parfaite sincérité et spontanéité, qu'il s'agissait d'exposer un sujet complexe ou de nous livrer un témoignage (d'un événement, d'une rencontre, ...) auquel il ne nous est jamais possible de rester indifférents.

    C'est pourquoi ta pensée, tes témoignages et tes analyses ne pourront jamais cesser de nous éclairer et de nous guider, nous musiciens et ... êtres humains.

    Merci à toi, mais aussi à ton épouse, Irène, compagne de tous les jours, heureux ou difficiles, qui nous a toujours monté l'exemple d'une complicité lumineuse. Je lui adresse toutes mes pensées de réconfort et d'amitiés.

    Jean-Pierre Deleuze

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  28. Frédéric Maintenant22 avril 2010 à 23:41

    Il est curieux de penser que la musique contemporaine doit parfois autant à certains musicologues qu'à des compositeurs ou interprètes. Pour moi, adolescent, découvrant avec ferveur la musique de Boulez, Maderna, Berio et d'autres, Celestin Deliège fut un phare dans le brouillard indicible de ces musiques qui m'exaltaient tant sans pouvoir cerner comment les écrire. La pensée éclairante de Celestin Delège m'a poussé à croire en la possibilité de créer de nouvelles oeuvres, modestement, puis de timidement faire de petites percées dans le monde de la musicologie. Et celà, je le dois beaucoup aussi à Irène Deliège que j'ai eu la chance de rencontrer brièvement à l'Ircam, j'ai donc une pensée émue pour elle en ces moments difficiles.

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  29. Georges-Elie Octors23 avril 2010 à 09:21

    À lire les lignes qui précèdent, il semble que tout soit dit… et pourtant il semble aussi que nous soyons tous impuissants à faire le tour d’un personnage aussi singulier, qui laisse des traces dans la mémoire et dans le cœur de ses proches, de ses amis, et de ceux qui bénéficièrent de son enseignement.
    En ce qui me concerne, Célestin n’était pas vraiment un « intime ». Mais ma vision de cet homme fut véritablement ravivée à chacune de nos rencontres, dont la dernière, très récente, n’était certainement pas la moins impressionnante ! Comment un corps à ce point meurtri pouvait-il encore contenir un tel bouillonnement de convictions, de gourmandise, d’appétit de savoir, de découvrir, et surtout témoigner avec une telle force d’une inaltérable jeunesse d’esprit ?
    Que dire de ses doctes réparties qui, sous des apparences parfois péremptoires, étaient ponctuées par ce mouvement circulaire si particulier de son regard infirme, et nous laissait si justement percevoir la petite touche d’humour, pétillante d’intelligence, qui habillait son propos…
    Célestin est un de ces hommes que je suis heureux d’avoir croisé, pour être un exemple rare d’une subtile alchimie nourrie de passion, d’intelligence, de lucidité, d’intégrité et d’humour…

    Georges-Elie Octors

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  30. Christian Renard23 avril 2010 à 19:16

    Célestin Deliège était une personnalité exceptionnelle et je voudrais dire ici toute mon admiration et ma reconnaissance pour ce qu’il a fait, pour ma formation personnelle, pour la musique contemporaine et pour Ars Musica en particulier.
    C’est en écoutant ses émissions sur Musique 3 pendant mes années d’apprentissage musical que j’ai découvert et appris à aimer la musique d’aujourd’hui.
    Je me rappelle encore avec quelle passion j’ai suivi ses entretiens si éclairants avec Pierre Boulez. J’ai aussi bénéficié de ses premiers cours d’analyse au conservatoire de Liège.
    J’ai retrouvé plus tard Célestin, fidèle au poste, à Musique 3, où j’ai eu le privilège de travailler avec lui...
    Puis ce fut l’aventure de la création et du lancement d’Ars Musica. Dès le groupe de travail lancé par Robert Wangermée, Célestin Deliège a défendu, avec moi, la nécessité d’un nouveau festival des musiques d’aujourd’hui. L’asbl qui le lança prit le nom de Musiques présentes, en hommage à l’émission du même nom de Célestin Deliège.
    Célestin soutint ensuite le festival comme administrateur fidèle de l’asbl, et ce pendant 22 ans, mais aussi et surtout comme conseiller bénévole infatigable au sein du comité artistique.
    Je me souviens encore, pour la deuxième édition, d’avoir été témoin, dans mon bureau, d’un coup de téléphone de Célestin à Berio pour lui expliquer qu’on l’invitait à cette deuxième édition, qu’on donnerait l’intégrale des Sequenze et qu’on voulait l’inviter à venir et à diriger un concert. Ce que Berio accepta immédiatement.
    Le festival a pu bénéficier des conseils et de l’enthousiasme de Célestin pour Jonathan Harvey, Gérard Grisey, Helmut Lachenmann, Wolfgang Rihm, George Benjamin, de ses séances de lecture de partitions, du soutien aussi aux jeunes compositeurs belges comme Denis Pousseur ou Benoît Mernier.
    Toujours, Célestin était disponible pour un conseil, un avis, une discussion, et il témoignait dans toutes ces circonstances de sa rigueur intellectuelle, de sa fidélité à ses engagements, de son honnêteté intellectuelle totale, de son énergie et d’un humour parfois ravageur, mais toujours positif.
    Il a ainsi conseillé les directeurs successifs d’Ars Musica et a été notamment enthousiasmé par le travail de Frank Madlener.
    C’est encore grâce à une de ses idées que fut réalisé le livre consacré à Philippe Boesmans : c’est en marge de discussions d’après concert à Ars Musica qu’il me dit : « Il faut mettre un micro devant Philippe Boesmans et le faire parler de sa musique. » Ce projet put être mené à bien grâce à Robert Wangermée et à Michel Hambersin.
    Ce fut ensuite son livre-testament : « De Darmstadt à l’Ircam, 50 ans de modernité musicale », somme exceptionnelle d’érudition, de recherche et de rigueur au service de l’histoire de la musique de notre temps. Des années de travail rendues possibles grâce à l’appui discret d’Irène, toujours présente à ses côtés et partageant son enthousiasme.
    Ce livre reste une somme qui trône dans ma bibliothèque et à laquelle on se refère fréquemment. Célestin Deliège aura suivi le festival Ars Musica jusqu’à ses derniers jours. Empêché par ses problèmes de santé d’assister aux concerts des dernières années, il les écoutait quand c’était possible à la radio et je lui téléphonais pour avoir son avis, discuter avec lui de l’avenir, de l’évolution de la programmation, de l’équipe. Toujours son avis était engagé, argumenté, intelligent et accompagné d’idées concrètes pour le développement des activités du festival.
    Célestin, pour tout cela, au nom de tous ceux qui ont partagé ces moments intenses avec toi, je voudrais te dire un grand et simple MERCI, et à toi aussi, Irène, MERCI.

    Christian Renard

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  31. Jonathan Harvey24 avril 2010 à 16:00

    Célestin was a generous- minded friend to me, a man I admired enormously. I have talked to many people about his analytical methods, which influenced me greatly. He was one of the few who understood deeply and precisely the importance of spectral thinking in natural listening... He has certainly changed the world.
    His great book - Cinquante Ans de Modernité..., his articles, his conversation, his humour, his towering presence at Ars Musica which changed the atmosphere in the hall: all these will be abiding legacies and memories for me as for so many.

    And thank you Irene, for your devotion to him in his last years, which was beautiful to witness.

    Jonathan Harvey,

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  32. Célestin’s passing leaves a great void in the world of contemporary music and music analysis. His books "Les fondements de la musique tonale" and especially the monumental "Cinquante ans de modernité musicale" will continue to be of major importance, but who can replace his unique personality, with its encyclopedic erudition, insatiable curiosity, acerbic sense of humor, and passionate commitment to new music? Beneath the wit and learning lay an unfailing purity of interest and intention. As for myself, I mourn the loss of a dear friendship that surmounted differences in age, language, and cultural reference. He was a warm friend, always generous and insightful. My heart goes out to the devoted and wonderful Irène. What a remarkable couple they have been!

    Fred Lerdahl

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  33. Anne-Marie et Marc Richelle24 avril 2010 à 22:14

    La rencontre et la collaboration d'Irène Deliège nous a apporté beaucoup de choses. Parmi elles, non la moindre, le bonheur d'avoir fait la connaissance de Célestin Deliège. Son oeuvre, saluée par tant de spécialistes de ses amis, le garde vivant, comme le garde notre souvenir.

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  34. C'était en 1973, dans les anciens bâtiments de la radio, Place Flagey : ma première rencontre avec cet homme que j'admirais comme musicologue et comme homme de radio. Et une réponse que je n'oublierai jamais à cette question de jeune débutant tellement sûr de lui... "mais comment as-tu pu passer cette musique?"... Célestin de me dire : "elle existe, je n'ai pas le droit de l'ignorer même si je ne l'aime pas". J'ai toujours voulu cela et je ne l'ai jamais regretté.
    Merci Célestin pour ton amitié et merci d'avoir toujours été de bon conseil dans les moments de questionnement et de doute. Merci à toi aussi Irène pour la chaleur et la gentillesse de ton accueil.

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  35. J'ai eu le privilège de rencontrer Célestin et Irène Deliège à l'époque où Irène terminait son mémoire de licence en psychologie sur la théorie générative de Jackendoff et Lerdahl. À l'époque, je connaissais déjà certains textes de Célestin par l'entremise des travaux de Nicolas Ruwet, qui m'avaient quelque peu familiarisé avec les méthodes d'analyse musicologique et avec les recherches de pointe en la matière (Ruwet lui-même, Deliège, Nattiez…). Je m'intéressais alors, tout comme aujourd'hui, à la poésie, et j'étais intrigué par l'énigme que soulèvent les rapports entre poésie et musique. En effet, la très grande majorité des poètes, même s'ils sont férus de musique, voire connaisseurs ou praticiens en la matière, restent néanmoins fascinés, avant tout, par les arts plastiques. Cela bat en brèche des stéréotypes faciles (du genre "le vers est la musique du langage") et nous rappelle que le langage humain est celui d'un animal (devenu) d'abord visuel.
    Les textes de Célestin, sur Debussy et Baudelaire, sur Mallarmé et Boulez, ont toujours été pour moi une source inépuisable de réflexion théorique. Ils apportent ce qui manque parfois à la seule analyse structurale, quelque chose qui touche à "l'éthos artistique", donc à un type d'attitude, face au monde et aux créations, dont les linguistes, même poéticiens, ne se soucient que très peu.
    Je me souviens aussi de discussions épiques, entre Célestin et Nicolas, sur Leo Strauss, et donc sur le vieux Platon. Célestin qui traitait volontiers Strauss et Platon de "fascistes" en invoquant Popper (un libéral!), et Nicolas (un libéral!)qui traitait Popper d'"ignorant" pour défendre Platon et Strauss. Quant à moi, je n'y comprenais pas grand-chose. Aujourd'hui, je sais que Strauss n'est pas aussi infréquentable que cela (si l'on n'oublie pas son plaidoyer pour la vie philosophique), mais aussi que la quête platonicienne de l'unité de l'être et des manières de vivre recèle bien des dangers.

    Ce fut une chance immense de vivre tout cela.

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  36. Michel Imberty1 mai 2010 à 11:14

    J'ai connu Célestin Deliège en 1973, il y a donc plus de 35 ans, et c'est dire si nos liens sont anciens. Je me souviens encore de ces rencontres de Belgrade où il animait de ses paroles toujours truculentes et percutentes les séances de travail des jeunes loups (que nous croyions être) de la toute nouvelle et fringante sémiologie de la musique.

    Depuis, je fus toujours un lecteur et admirateur des textes de Célestin. J'ai parfois aussi été plus critique, mais il savait tellement bien répondre à la critique - avec humeur parfois, avec humour le plus souvent - que c'était un véritable plaisir de le critiquer ! Il faudrait des pages d'ailleurs pour rappeler sa méfiance à l'égard de la psychologie cognitive, dont il disait "Vous imaginez bien que j'en entends parler à la maison!" Pourtant, il a su aussi entendre ce que modestement les psychologues pouvaient apporter à la compréhension de la perception musicale, particulièrement de la perception de la musique contemporaine. Les discussions entre lui, Jean-Jacques Nattiez et moi étaient inénarrables !

    Puis, lentement et inexorablement, la maladie est venue. Je l'ai rencontré chez lui plusieurs fois durant ces années terribles, pour lui bien sûr qui avait gardé sa puissance intellectuelle intacte, mais aussi pour Irène, toujours présente, affectueuse et ferme en même temps.

    Durant ces rencontres, nous avons souvent parlé de musique bien sût, mais aussi de tant d'autres sujets à travers lesquels il exprimait son humanité et sa sensibilité qui étaient grandes.

    La dernière fois que je l'ai vu, c'était au mois de mars. Très affaibli, il avait encore la force de s'inquiéter de l'état de santé d'Irène dont il se sentait quelque part un peu responsable... Un jour d'ailleurs, il me donna ce merveilleux conseil "Michel, tâche de ne pas vieillir!" Et je dus lui répondre que cette fois-ci je n'étais vraiment pas sûr de pouvoir suivre son invite ! Et nous rîmes de bon coeur !

    C'est sur ce rire que je veux rester. D'ailleurs, pour moi comme pour nous tous, Célestin ne nous a pas quitté ! Pouvait-il nous faire cela vraiment ? Il suffit de se retourner vers ses derniers ouvrages, notamment son livre "monstre" sur les "Cinquante ans de modernité musicale" pour se rendre compte que la lecture inépuisable, les commentaires sans fin qu'il suscite, les admirations et les emportements nous rendent Célestin vivant à jamais, comme il l'était et le fut toujours, avec ses terribles traits d'humour, ses rires tonitruants, ses colères tellement généreuses, et cette passion de la musique vivante !

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  37. Même pour ceux qui, comme moi, ont suivi Célestin jusqu'à ses derniers jours, et constaté avec à la fois tristesse et admiration le contraste entre le progressif délabrement physique et la sauvegarde de l'esprit aigu, l'image qui surgit à tout moment est celle du Célestin génial, dynamique et joyeux. Laissant à d'autres, combien plus compétents que moi dans son domaine, le soin de décrire son oeuvre, je voudrais rappeler quelques souvenirs piquants.
    Dans les années 50, nous nous étions trouvé un plaisir commun à « jouer » des fanfares en imitant de la voix le timbre du cornet à piston. Une complicité s'était établie entre nous, en sorte que, parfois même lors d'un repas chez des « gens bien », l'un de nous poussait un léger barrissement qui s'amplifiait petit à petit en une fanfare à deux voix. Tout y passait, depuis « li bia bouquet » ou (Bourvil) « qui est-ce qui m'a donné l'âme d'un artiste, c'est l 'piston, c'est l'piston » jusqu'aux marches de Souza ou à des improvisations. Le souvenir le plus mémorable à cet égard est sans doute la soirée où le duo s'était mué en trio, avec le concours de ... rien moins qu'André Souris. Je me souviens que devant la poursuite interminable du « récital » les amis très chers chez qui nous passions cette soirée ont fini, exaspérés, par monter se coucher, vers 2 heures du matin en claquant la porte.
    A cette époque, Célestin donnait, chez ma soeur, un cours d'écriture musicale à un petit nombre d'amis, autour d'une table. Il se fait qu'à l'époque ma soeur employait un domestique plutôt qu'une banale femme d'ouvrage, et que la personne pouvait être appelée en cas de nécessité en appuyant du pied sur un bouton. Célestin se faisait un plaisir, prétextant de sa vue basse, de carillonner du pied sur le bouton, tout en s'exclament « zut, je crois que j'ai encore appelé la boniche ».
    Oserais-je citer l'inénarrable déclaration, à ses élèves de l'enseignement moyen à qui il devait faire chanter des chansons composées par son inspecteur : «Allez-y, mes enfants, c'est de la merde, mais c'est de l'inspecteur ! ». Toute sa vie, Célestin n'a jamais pu s'empêcher de sortir une vacherie, adressée bien souvent à des personnes influentes. Inutile de dire que ce défaut (ou cette qualité ?) ne l'a pas aidé à se hisser dans la hiérarchie officielle, sans affecter, heureusement, l'estime et l'admiration que lui portaient et lui portent toujours ses pairs.
    René Thomas

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  38. We all deeply mourn the loss of Celestin Deliege, a bold, courageous, and brilliant pioneer with a passion for music who inspired us in so many ways. I was so honored to have Celestin and Irene participate in the International Stravinsky Symposium in San DIego in 1982 where the depth of his engagement with Stravinsky's music made a significant contribution to our understanding of the composer. With his many books and essays, there is hardly any area of twentieth century western art music that he did not reflect on and leave us a legacy of critical insight and intellectual leadership.

    The devotion, partnership, and support of Celestin and Irene for one another over the years is part what made this life so productive and the loss all the more devastating. Irene, we mourn with you, but also celebrate these years you shared together, in health and in sickness, with music at its center.

    Jann Pasler

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  39. Dr. René Candeur4 mai 2010 à 12:14

    J'ai connu Célestin à Liège au cours de ma 2è année de médecine via Henri Pousseur qui commençait ses études au conservatoire. Henri et moi avions mis sur pied la "Chanterie escholière" qui va se produire pendant 5 ans pour le plus grand bonheur des 24 chanteurs, étudiants en tous genres.
    Célestin venait parfois à nos répétitions, mais il a vécu surtout à nos deux camps d'été à Malmédy où Henri affinait les plus studieux des 24 chanteurs.
    C'est dans ce cadre de vacances chantantes que nous avons pu entrevoir les génies qui se pointaient dans la "baguette" d'Henri et sous les "facéties" de Célestin.

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  40. Se penso a Célestin Deliège mi viene in mente il suono della sua voce. Per tante ragioni Célestin è stato un personaggio inconfondibile nel panorama della musica del nostro tempo, ma è soprattutto la sua voce che per me ha i tratti dell’unicità. Non potrò mai dimenticare quella specie di tuono che cominciava a prepararsi, come per un’irritazione alle corde vocali o per la difficoltà di trattenere il fiato, nelle prime file o da un angoletto di una sala da conferenze per poi scoppiare sopra qualsiasi altro tentativo di presa di parola. E guai a quel poveretto cui capitava di essere bersaglio delle sue “precisazioni”: in quella voce c’era tutta la forza di un pensiero in cui si crede, una certezza raggiunta attraverso lo studio e la meditazione, la sicurezza di non parlare per sé ma per la “verità”. Si finiva sempre per credere a Célestin, perché la sua voce si faceva carico di tutto, anche di quello che difficilmente poteva essere sottoposto ad una verifica fattuale. E se la “vive voix” non c’è più, ne resta il ricordo inalterabile.
    Rossana Dalmonte


    I miei più vivi ricordi di Céléstin sono legati alla forza incrollabile delle sue idee e alla sua curiosità intellettuale. Credo che la sua forza sia nata dalle battaglie estetico-ideologiche del dopoguerra: in quel periodo non c’era spazio per le mediazioni, ma solo per le grandi fedi. Bisognava schierarsi e parteggiare, nel campo politico, in quello culturale e in quello musicale. Queste fedi hanno retto la sua esperienza umana e intellettuale fino alla fine dei suoi giorni: la sua capacità straordinaria è stata quella di averle conservate intatte mentre il mondo cambiava. Céléstin ha combattuto contro il mondo ed è rimasto solo nel suo combattimento, implacabile e eroico come un antico cavaliere. La sua fede lo spingeva a interessarsi con curiosità instancabile ai mille aspetti della vita musicale contemporanea. Le sue opere sono monumentali, ma conservano l’impeto e la freschezza di chi le ha scritte per necessità interiore. Per questo resteranno una testimonianza fondamentale del nostro tempo.
    Mario Baroni

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  41. Martin Mégevand9 mai 2010 à 11:56

    Célestin Delège avait l'oreille aussi affinée que la vue raccourcie. Sa silhouette de Michel Simon érudit et passionné se découpait sur celle de don Quichotte. Il hantera les mémoires de ceux à qui, attrités en ces jours, il a ouvert le passage vers les plaisirs de la modernité musicale.

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    1. Ému de retrouver les pages d'hommage à ce grand passeur qu'était Célestin Deliege, et regrettant un peu la trop grande discrétion du témoignage que j'avais déposé ici voilà cinq ans, j'ajoute - intempestivement - que je pense encore aujourd'hui avec reconnaissance au temps que Célestin Deliege a consacré à relire avec une application, une générosité et une pertinence exemplaires le chapitre d'une thèse que j'écrivais dans le cadre de laquelle je tenais à écrire sur la musique, sans être musicologue. Ni expéditif, ni hautain, il a posément répondu à ma requête et j'ai scrupuleusement suivi ses avis. Des membres de mon jury, auquel il ne participait pas, seule l'helléniste Nicole Loraux a émis des remarques sur ce chapitre, qui était peut-être celui qui mes tenait le plus à cœur (à chœur). C'est dit. Voyez, je continue parfois de penser à vous, monsieur Deliege, toujours avec admiration et reconnaissance.

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  42. J'ai connu Célestin Deliège (et je suis devenu son ami) il y a plus d'un demi-siècle, en compagnie d'André Souris, le seul musicien du mouvement surréaliste belge. C'est pourquoi je lui demandai la partition musicale de la bande sonore du film que la télévision belge - bien inspirée en l'occurence - m'avait demandé sur Magritte.

    Magritte refusa cette collaboration avec Souris avec qui il s'était brouillé il y a quelques années. Je demandai alors à Souris de me suggérer le nom d'un jeune musicien. Il me proposa sans hésiter le nom de Célestin Deliège, ce qui m'enchanta. Magritte jugea à tort le résultat de cette opération digne d'un film sur la fabrication des boîtes de conserves. Je lui laisse évidemment la responsabilité de cette appréciation. La même incompétence fut celle des membres musiciens de la classe des Beaux-Arts de l'Académie, habiles à manipuler la musique tonale. Sans doute lui reprochaient-ils ses critiques acerbes des musiciens de cet acabit. Célestin Deliège en fut la victime.

    J'avais découvert aussi la participation de Claude Levi-Strauss à l'aventure intellectuelle de notre temps. Je demandai à Célestin de collaborer au numéro spécial de la revue L'Arc consacré à l'auteur "du cru et du cuit", lui demandant d'apporter une contribution à l'orage pré-structuraliste de la musicologie belge. J'avais prévenu André Souris que j'étais un sourd musical. J'admirais naturellement l'immense culture de Célestin notamment dans le domaine de la philosophie et des sciences humaines. Il naviguait avec une véritable passion pour Hegel et peut-être avait-il entrevu Dieu devant le panthéisme de Spinoza.

    Je perds un ami très cher. Heureusement, il laissait en vie celle que les anciens auraient appelée "sa moitié" : Irène. Ce titre lui convient parfaitement : non seulement, elle pratique avec un art consommé la fine cuisine, qu'elle aime partager avec ses amis, mais elle est aussi profondément musicienne. J'ai toujours regretté que l'ULB se passe de ses services. Heureusement l'Université de Liège la récupérera bientôt dans son département de Psychologie, grâce à l'intervention de Marc Richelle. Longue Vie à la mémoire de Célestin, indissociable de celle d'Irène.

    Luc

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  43. Le 24 mai dernier, je recevais un courriel d'Irène Deliège: "Cher Yves,
    Je suis l'épouse de Célestin Deliège, ami d'Édouard Senny. Je cherche à vous prévenir du décès de Célestin intervenu le 18 avril dernier"... Tout un passé d'enfant et d'adolescent a tout de suite ressurgi, fait de conversations animées (auxquelles je ne comprenais rien), de rires éclatants... Je me suis souvenu des rencontres en famille à Grimonster, à Filot ou même à Liège... Je me suis souvenu... Merci Célestin pour votre amitié avec papa, avec toute notre famille, pour votre humanité, votre humour caustique, vos facéties, votre regard d'enfant, derrière vos verres épais... Merci Irène pour votre gentillesse, votre sourire et cette attention constante que vous manifestiez à Célestin (même enfant, je la ressentais)... Merci de m'avoir prévenu... J'en suis très touché!
    Célestin Deliège, Pierre Froidebise, Henri Pousseur, Edouard Senny, André Souris... tous autour d'une bonne table, rompent le "silence wébernien"...
    Chère Irène, je pense à vous dans ces moments difficiles. Vous avez toute ma sympathie.

    Yves Senny.

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  44. Je viens d'apprendre - un peu tard ! - la disparition de Célestin Deliège qui fut mon professeur d'analyse musicale au Conservatoire Royal de Musique de Liège, et je me sens un peu orphelin. Il m'a appris bien des choses, notamment une façon plus pointue de lire les partitions et d'en extraire la substance, et finalement de mieux écouter et apprécier la Musique. Il avait ses coups de coeur, ses préférences, et ses opinions pour certaines desquelles je n'étais pas toujours d'accord avec lui. Ce qui ne m'empêche certainement pas de garder de lui un de mes meilleurs souvenirs de conservatoire. Je me sens vraiment fort ému...

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